Qu’est-ce qu’un multipotentiel ? Comment le reconnaître ?
« Je n’ai jamais vraiment su ce que je voulais faire, se souvient Sonia Valente en préambule. Je n’avais pas de passion. Mon truc à moi, c’était de changer d’activité. Enfant, je testais un maximum de sports et d’activités. Lorsque j’ai commencé à penser à mon avenir, j’étais prise d’angoisse : comment choisir une orientation quand tout m’intéresse ? Je n’ai jamais eu de vocation et je jalousais secrètement tous ceux qui en avaient une. À mes yeux, leur avenir semblait simple, sans embûches. Ils n’étaient pas assaillis d’un milliard de questions. »
Vous vous reconnaissez dans ce portrait ? Vous avez, vous aussi, l’impression de ne rentrer dans aucune case ? D’être une sorte de touche-à-tout ? Vous êtes peut-être un multipotentiel qui s’ignore.
Multipotentiel : définition
Longtemps associée à la douance intellectuelle c’est-à-dire au fait d’être surdoué ou à haut potentiel, la multipotentialité désigne aujourd’hui la capacité d’une personne à avoir des compétences dans plusieurs domaines professionnels. Le terme « multipotentiel » a été popularisé en 2017 par Emilie Wapnick, entrepreneur, coach et autrice de l’ouvrage How to Be Everything A Guide for Those Who (Still) Don't Know What They Want to Be When They Grow Up. « Je n’ai jamais réussi à répondre à la question : que veux-tu faire plus tard ? Le problème n’était pas que je ne m’intéressais à rien… mais que je m’intéressais à trop de choses, explique celle-ci. Au lycée, j’aimais l’anglais, les maths et l’art, je construisais des sites web et je jouais de la guitare dans un groupe de punk. Après le lycée, je me suis aperçue que je suivais un certain schéma : quand je commençais à m’intéresser à un sujet, je plongeais dedans, j’y mettais toute mon énergie et je devenais plutôt douée dans ce domaine et ensuite j’arrivais à un point où je commençais à m’ennuyer. Je m’intéressais alors à un autre sujet, quelque chose qui n’avait rien à voir avec le précédent et j’y plongeais à nouveau corps et âme. »
Comment savoir si on est multipotentiel ? Quels sont les signes ?
La multipotentialité se traduit par les signes suivants :
- une grande curiosité intellectuelle ;
- une soif d’apprendre ;
- un côté touche-à-tout ;
- une rapidité d’apprentissage et d’acquisition de compétences ;
- une capacité à traiter plusieurs tâches différentes ;
- une certaine adaptabilité ;
- une pensée synthétique.
« La multipotentialité se caractérise par une soif d’apprendre et une grande curiosité, confirme Sonia Valente. Souvent, les profils multipotentiels vont éprouver des difficultés à faire un choix en matière de loisirs, d’études ou d’activité professionnelle. D’ailleurs, ils s’orientent souvent vers des filières généralistes pour avoir plus d’options. »
Multipotentiels : quelles sont leurs forces et leurs faiblesses ?
Si les multipotentiels sont dotés d’une grande soif d’apprendre et d’une bonne capacité d’adaptation, ce sont, en revanche, des personnes qui se lassent et s’ennuient rapidement. « Ce qui peut être compliqué dans le cadre du travail, poursuit Sonia Valente. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si souvent leurs CV se traduisent par une succession d’expériences professionnelles dans plusieurs domaines. Du moins, ceux qui assument leur multipotentialité ! En effet, beaucoup de multipotentiels refusent d’être perçus comme des indécis et préfèrent conserver leur job… même s’ils sont malheureux et qu’ils y vont à reculons. » Ce sont également des profils qui peuvent vite s’épuiser du fait de leur enthousiasme et de leur appétence à apprendre. « Ils ont parfois les yeux plus gros que le ventre, confirme l’autrice. Dans notre société qui valorise la spécialisation, cela peut-être aussi plus difficile de trouver un emploi, à la différence des pays anglo-saxons qui considèrent plutôt cette multipotentialité comme une force. »
Des soft skills transversales
Si les multipotentiels sont des touche-à-tout qui n’ont pas forcément le bagage d’un spécialiste empli de compétences techniques et pointues, ils possèdent néanmoins de précieuses soft skills : l’adaptabilité, l’organisation, la créativité, etc. « Leurs soft skills sont des compétences « horizontales » parce qu’elles sont transférables, c’est-à-dire qu’elles peuvent être réutilisées dans une autre activité et un autre secteur », détaille Sonia Valente. A contrario, les compétences techniques d’un profil spécialiste sont « verticales » parce qu’elles ne s’appliquent qu’à un seul et même domaine. Et l’autrice continue d’ajouter : « J’ai accompagné Hélène dans sa recherche d’un nouveau projet professionnel. Comme tout multipotentiel, Hélène était arrivée à la conclusion qu’elle avait beaucoup de soft skills mais très peu de compétences techniques de base et était convaincue que les compétences techniques avaient plus de valeur aux yeux des recruteurs que les soft skills. Lors d’un entretien pour être chargée de financement dans une structure de l’Economie Sociale et Solidaire, elle a expliqué au recruteur qu’elle avait des compétences basiques en finance et que si elle venait à occuper ce poste, elle aurait besoin d’une formation ou d’un accompagnement pour être totalement opérationnelle. Pour l’entreprise, cela n’a pas été un problème. Outre ses qualités d’empathie, d’humilité et de rigueur nécessaires au poste, son parcours montrait, en effet, qu’elle était capable d’apprendre et de s’adapter aussi bien dans ses relations que dans ses missions. »
Quel métier choisir quand on est multipotentiel ?
Du fait de leur profil, on retrouve plutôt les personnes multipotentielles sur des fonctions support : par exemple dans les ressources humaines ou la gestion de projets. « Il y a également beaucoup de multipotentiels chez les slasheurs », confie Sonia Valente. Et pour cause ! Négociateur immobilier quatre jours sur cinq et professeur de yoga deux jours par semaine ? Rédactrice web en freelance à mi-temps et guide touristique l’autre moitié du temps ? Le slashing est idéal pour les profils multipotentiels qui veulent mener de front plusieurs projets n’ayant rien en commun ! Et, l'autrice de conclure : « Faire le même métier toute leur vie va à contre-courant de la nature curieuse et touche-à-tout des multipotentiels. Leur carrière doit plutôt être envisagée comme une succession de projets qui suivent une même direction pour garder de la cohérence, celle de leur motivation profonde. »